Attention: c'est l'heure du Point Godwin-Peillon

Point Godwin
Luc Chatel, ancien ministre de l’Éducation, a accusĂ© Vincent Peillon, son remplaçant, de paraphraser le MarĂ©chal PĂ©tain lorsqu'il a employĂ© l'expression "redressement intellectuel et moral" faisant rĂ©fĂ©rence Ă  un appel du MarĂ©chal du 25 juin 1940.

La belle affaire.

Le Point Godwin, c'est une tradition politique. Pas que française hein. Il est "normal" que l'opposition attaque le gouvernement en place en osant des comparaisons avec ce qu'il y a de pire dans notre histoire.

On se souvient d'ailleurs des réactions que nous avions eues, nous autres (enfin pas tous, mais j'en faisais partie) lorsque Nicolas Sarkozy avait brandi la "valeur travail" et le "vrai travail" à l'occasion du 1er mai 2012. J'avais été la première à crier à une pétainisation de son discours, mais j'avais eu la présence d'esprit de ne pas l'étaler sur ce blog ni sur Twitter. Je l'avais crié dans mes mails et dans mon salon.

Pas folle la guĂŞpe.

Voici donc l'objet du scandale,  la soit disant source d'inspiration de Vincent Peillon.

Ce dont je doute fort au demeurant, mais passons.
J'imagine mal Vincent Peillon en train de préparer cette réforme de l'enseignement de la morale laïque et se disant:

"Tiens si je citais PĂ©tain, finalement il a pas dit que des conneries le vieux"...

De mĂŞme qu'avec le recul, j'imagine mal Nicolas Sarkozy se disant:

"Tiens, je vais leur servir du Maréchal à toutes les sauces, ils seront contents". Bref.
"Les conditions auxquelles nous avons dû souscrire sont sévères. Une grande partie de notre territoire va être temporairement occupée. Dans tout le Nord, et dans tout l'Ouest de notre pays, depuis le lac de Genève jusqu'à Tours, puis, le long de la côte, de Tours aux Pyrénées, l'Allemagne tiendra garnison. Nos armées devront être démobilisées, notre matériel remis à l'adversaire, nos fortifications rasées, notre flotte désarmée dans nos ports. En Méditerranée, des bases navales seront démilitarisées. Du moins l'honneur est-il sauf. Nul ne fera usage de nos avions et de notre flotte. Nous gardons les unités navales et terrestres nécessaires au maintien de l'ordre dans la métropole et dans nos colonies; le gouvernement reste libre, la France ne sera administrée que par des Français.
Vous étiez prêts à continuer la lutte. Je le savais. La guerre était perdue dans la métropole. Fallait-il la prolonger dans les colonies?
Je ne serais pas digne de rester à votre tête si j'avais accepté de répandre le sang des Français pour prolonger le rêve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte.
Je n'ai placĂ© hors du sol de France ni ma personne ni mon espoir. Je n'ai jamais Ă©tĂ© moins soucieux de nos colonies que de la mĂ©tropole. L'armistice sauvegarde le lien qui l'unit Ă  elles ; la France a le droit de compter sur leur loyautĂ©.
C'est vers l'avenir que désormais nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence.
Vous serez bientôt rendus à vos foyers. Certains auront à les reconstruire. Vous avez souffert, vous souffrirez encore. Beaucoup d'entre vous ne retrouveront pas leur métier ou leur maison. Votre vie sera dure.
Ce n'est pas moi qui vous bernerai par des paroles trompeuses. Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours. Elle est la patrie elle-même. Un champ qui tombe en friche, c'est une portion de France qui meurt. Une jachère à nouveau emblavée, c'est une portion de la France qui renaît.
N'espérez pas trop de l'État. Il ne peut donner que ce qu'il reçoit. Comptez, pour le présent, sur vous mêmes et, pour l'avenir, sur vos enfants que vous aurez élevés dans le sentiment du devoir.
Nous avons à restaurer la France. Montrez-la au monde qui l'observe, à l'adversaire qui l'occupe, dans tout son calme, tout son labeur et toute sa dignité. Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié. C'est à un redressement intellectuel et moral que, d'abord, je vous convie. Français, vous l'accomplirez et vous verrez, je vous le jure, une France neuve sortir de votre ferveur". (Source: PÉTAIN Philippe, "Appel du 25 juin 1940", in Philippe Pétain, Discours aux Français, Paris, Albin Michel, 1989, p.63-66).
Pourquoi reproduire in-extenso ce speech nauséabond datant des heures les plus sombres de l'histoire de France? Parce que là-dedans, il y a plein d'autres expressions qui, sorties de leur contexte, peuvent tout à fait faire l'affaire dans la bouche d'un politique.
  • Jean-Luc MĂ©lenchon aurait pu dire: "Vous Ă©tiez prĂŞts Ă  continuer la lutte. Je le savais."
  • François Hollande aurait pu dire: "C'est vers l'avenir que dĂ©sormais nous devons tourner nos efforts."
  • Marine Le Pen aurait pu dire: "Nous avons Ă  restaurer la France." 
  • Nicolas Sarkozy aurait pu dire: "Notre dĂ©faite est venue de nos relâchements."
  • Vincent Peillon a dit: "Le redressement de la France doit ĂŞtre un redressement matĂ©riel mais aussi intellectuel et moral." (ce qui n'est donc pas du mot-pour-mot comme l'affirme Luc Chatel, mais ne jouons pas sur les mots)
Donc, il y a un moment oĂą mĂŞme si on est dans le camp des contre, il serait bon d'arrĂŞter d'user du Point Godwin Ă  tout bout de champ. 

N'a-t-on pas Ă  droite comme Ă  gauche d'autres arguments que celui de la pĂ©tainisation des discours pour attaquer telle ou telle mesure, telle ou telle dĂ©claration? 

Pour le coup, et avec objectivité, je suis d'accord avec Vincent Peillon qui se désole de la réaction de Luc Chatel. Et je suis aussi d'accord avec celles et ceux qui ont critiqué la Une de l'Humanité en mai dernier.

Donc, qu'on se le dise, la morale laĂŻque que Vincent Peillon veut instaurer n'est ni ordre moral ni instruction civique: 
"C'est plus large, cela comporte une construction du citoyen avec certes une connaissance des règles de la société, de droit, du fonctionnement de la démocratie, mais aussi toutes les questions que l'on se pose sur le sens de l'existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne. Le redressement de la France doit être un redressement matériel mais aussi intellectuel et moral".
Luc Chatel lui-même n'a-t-il pas réintroduit les "leçons de morale" à l'école primaire en 2011?

Quel est donc le but de ces leçons de morale si ce n'est un "redressement intellectuel et moral"?

Quant à Camille Bedin qui nous a déjà gratifiés d'un communiqué de presse vomitif sur les "salles de shoot" ardemment défendues par Jean-Marie Le Guen, elle n'a rien trouvé de mieux à dire que:
"Si personne ne conteste la nécessité pour l'école de retrouver son rôle de formation des citoyens et d'apprentissage d'un meilleur vivre-ensemble, la définition que Vincent Peillon apporte à sa 'morale laïque' n'est absolument pas satisfaisante. Elle est d'ailleurs floue et totalement biaisée [...] L'enseignement de la morale laïque de Vincent Peillon, c'est tout simplement l'inculcation du socialisme dans la tête de tous les jeunes élèves [...] Non seulement le ministre ne peut pas s'empêcher de teindre sa 'morale laïque' d'anti-sarkozysme mêlé d'idéalisme gauchisant, mais pire, il n'assume pas le fait que sa proposition correspond en réalité à un problème bien plus profond: celui de l'identité nationale, du vivre-ensemble et du rapport à la réussite et de la relation à l'autorité".
Nous y voilà! Finalement le problème, ce n'est pas tant la formulation de la chose mais son fond.

Avec cette morale laïque, Vincent Peillon voudrait donc transformer toutes nos petites têtes blondes (référence à l'aryanisme hein, tant qu'on y est) en jeunesse socialiste...

Et puis tant qu'Ă  exploser le Point Godwin, pourquoi pas en Hitlerjungend? Soyons fous hein...

Je pose une question à Madame Bedin. Si tant est qu'elle lise ce blog. Ce qui relèverait d'une coïncidence surréaliste du 3ème type.
"Madame Bedin, vous qui ĂŞtes nĂ©e en 1985 (nous sommes donc de la mĂŞme gĂ©nĂ©ration Ă  quelques annĂ©es près), vous souvenez-vous de vos cours d'instruction civique?" 
Enseignés à la va-vite, entre deux cours d'histoire-géo, agrémentés d'organigrammes sur-compliqués sur le fonctionnement des différentes institutions françaises, ponctués de définitions à dormir debout, saupoudrés de calendriers électoraux à apprendre par cœur, les cours d'instruction civique soulent la plupart des élèves.

Mais peut-ĂŞtre ne soulent-ils pas celles et ceux qui grandissent Ă  Neuilly-sur-Seine comme Camille Bedin.

Je dis ça comme ça et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

Je dis juste que des cours de morale laïque concrets, réels et immédiatement applicables au quotidien des élèves, sont sans doute bien plus constructifs que cette instruction civique qui n'a pas été dépoussiérée depuis longtemps.

Tiens en plus du Point Godwin, j'ai aussi écrit un billet en mode y-a-qu'à-faut-qu'on, je suis vraiment tombée bien bas.

Mais c'est pas de ma faute, on m'a poussée.

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14 commentaires

  1. A force d'entendre cette Camille Bedin, je me demande si elle n'est pas en campagne pour la presidence de l'UMP.

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  2. Un peu de morale civique en somme...

    :)

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  3. Rrrrôôôô j'ai vraiment l'air si énervé que ça?

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  4. Il y a des gens qui sont nuisibles du début à la fin, Chatel fait mieux, , il est encore nul après la fin.
    Et cette rentrée est encore "sa" rentrée.
    J'imagine les discussions qui ont précédé l'avancée du pion "morale laïque". C'est de sécularisation qu'il s'agit, mais on ne peut pas le dire comme ça. Dommage. Il vaudrait peut-être mieux mettre les points sur les i, et essayer d'expliquer même si c'est compliqué et pas plaisant pour tout le monde.

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  5. Ce qui intéressant d'écouter ce sont les discours d'Adolphe Hitler (avec les sous titres en Français) Et là tu commences à avoir peur et à être fascinée par le talent d'orateur , d'acteur et aussi par les "éléments de langage" qui sont communs à tous les politiciens finalement ...... Parce que les politiciens ne parlent pas à la raison . Ils s'adressent aux émotions , à l'inconscient collectif des troupeaux humains à guider vers les lendemains qui chantent ........

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