Fin de vie

​J'ai longtemps hésité avant d'écrire ce billet.
Pour plein de raisons mais une surtout : je n'ai pas l'habitude de raconter "ma" vie ici. Et pourtant... Un blog n'est-il pas précisément une espèce de cyberjournal intime ?
J'ai déjà évoqué ici plusieurs fois mes grands-parents, et mon grand-père surtout.
Et bien, il a tiré sa révérence. 

Au-delà de l'immense tristesse naturellement ressentie, j'ai ensuite éprouvé de la colère... Ou quelque chose dans ce goût-là.

Mon grand-père a failli nous quitter il y a 2 ans déjà. Puis il a repris du poil de la bête et a vécu une année de plus presque "normalement".

Puis tout s'est lentement accéléré. Bel oxymore pour dire qu'il a souffert pendant plusieurs mois.
Un mois sur deux, il retournait à l'hôpital. Il n'en sortait ni mieux ni moins bien. Puis il y retournait. Et cela pendant des mois.

Jusqu'à l'épuisement.

Les médecins évoquaient toutes sortes de soins : transfusion, dialyse, stents...
93 ans.
"Vous allez voir, on va vous requinquer"
Mais pourquoi? Pour quoi faire? Il était si fatigué, si affaibli et si triste de se voir dans cet état.
"A quoi bon me requinquer? J'ai 93 ans Docteur, laissez-moi tranquille"
Même ma grand-mère était fatiguée pour lui. Fatiguée à cause de lui.

Je n'ai pas honte de dire que nous avons évoqué ensemble, avec lui, des solutions interdites dans notre pays. On a aussi parlé de la Suisse... Mais ni pour ses chocolats, ni pour ses montres.

Il l'aimait d'ailleurs, sa montre, mon grand-père. Il n'a jamais voulu l'ôter. Même quand son poignet n'en supportait plus le poids, il a gardé sa montre. Jusqu'au bout.

Je me suis demandé ce qui clochait chez nous : pourquoi vouloir à tout prix maintenir en vie un mourant de 93 ans? Pourquoi ne pas lui permettre de partir en toute sérénité, en paix, dans la douceur et non dans cet état de dégradation physique qui fut la sienne? À quoi bon?

Comment peut-on laisser quelqu'un (de 93 ans j'insiste) souffrir à ce point et aussi longtemps, en France, et au XXIème siècle?

Alors oui... Dans les derniers jours de sa vie, il ne souffrait plus. Il ne souffrait plus parce qu'il n'avait plus la force de souffrir. Il était résigné. Il a attendu de voir son fils. Puis sa fille.
"A demain Papa"
"Non. Pas demain. Demain je ne serai plus là."
"Ah bon? Mais tu seras où?"
"Je serai mort".
Ainsi s'en est allé mon grand-père un mardi 13 octobre après des mois de souffrance inutile. Je ne sais pas trop pourquoi je raconte ça même si je sais que vous voyez parfaitement où je veux en venir.

No comment sur ce billet.
Une fois n'est pas coutume.

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